Les chrétiens de plus en plus confrontés aux violences des extrémistes hindous au Népal

Les chrétiens de plus en plus confrontés aux violences des extrémistes hindous au Népal

Pays majoritairement hindou, le Népal comprend une minorité chrétienne qui est de plus en plus confrontée à des agressions d’émeutiers pour sa foi et de pressions des autorités. L’ONG Christian Solidarity International rapporte que les attaques se sont multipliées ces dernières semaines pour de multiples raisons. Récemment, des foules ont récemment attaqué des chrétiens accusés de manger des vaches, animaux sacrés dans l’hindouisme.

Voisine de l’Inde, le Népal partage la religion majoritaire du plus grand pays hindou au monde et a entamé comme lui une politique intolérante en matière de liberté de culte. Comme en Inde, la minorité chrétienne subit des agressions de la part de membres de la majorité hindoue.

Ces dernières semaines, des foules ont attaqué des chrétiens et des églises.

C’est dans l’est du pays, près de la ville de Dharan, qu’a eu lieu la première vague d’assauts en août dernier, selon les partenaires locaux de Christian Solidarity International.

Les émeutes ont commencé à l’occasion de la construction d’une nouvelle église durant ce mois, la Holy Trinity Believers. L’édifice a été perçu comme une offense par des extrémistes hindous qui n’acceptaient pas qu’il soit bâti en face du temple Balgopal et ont menacé le pasteur.

Divers groupes religieux ont écrit au maire de Dharan, Harka Sampang, pour lui demander de déplacer l’église, au motif qu’elle aurait été construite illégalement. La communauté chrétienne a également contacté le maire pour défendre le site.

Sampang a choisi de se laver les mains et de porter l’affaire en justice, alors que Dharan avait connu de fortes tensions ethno-religieuses lors de la campagne électorale de 2022 au cours de laquelle l’actuel maire et son ancien rival s’étaient mutuellement accusés de pousser les communautés au conflit, selon le Nepali Times.

Les chrétiens accusés de tuer des vaches sacrées

Dans la foulée de ce renvoi en justice, les tensions ont connu leur paroxysme lorsque des chrétiens de la région ont été accusés de tuer des vaches, alors que la consommation de cet animal est interdite au Népal. Des vidéos montrant des membres de la tribu Limbu, majoritairement de confession Kirati Mundhum, abattre des vaches à Dharan, ont provoqué la colère des hindous.

À la suite d’une plainte, la police a arrêté des Limbus, mais les hindous ont également accusé les chrétiens de commettre le même sacrilège, et des émeutes ont éclaté dans la région, conduisant l’administration locale à imposer un couvre-feu.

Le 26 août, des milliers d’extrémistes hindous ont convergé vers Dharan pour appeler à la “conservation des vaches”, mais le Bureau administratif du district a renforcé la sécurité aux points d’entrée de la ville et appliqué une ordonnance d’interdiction pour empêcher les fanatiques d’accéder à Dharan, rapporte le Kathmandu Post.

Appels à bannir les religions autres que l’hindouisme du pays

Les tensions à Dharan sont celles que connaissent les chrétiens dans d’autres régions du Népal. Toujours fin août, un prêtre hindou et indien controversé a appelé lors d’un rassemblement à chasser les autres religions du pays et à créer une nation hindoue.

De nombreux jeunes extrémistes ont alors attaqué sept églises et des chrétiens durant deux semaines, recouvrant ces derniers de peinture noire pour indiquer qu’ils sont des parias sociaux, indique Christian Solidarity International. Parmi les victimes, Nabin Tharu, une femme pasteur, et sa famille ne peuvent plus retourner chez eux ni dans leur église :

"Le 30 août 2023, vers 12 h 40, quelques hindous sont arrivés à vélo et nous ont attaqués, nous et notre église. Ils ont brisé toutes les fenêtres et les chaises. Ils ont jeté des pierres et des briques contre nous, mais nous avons pu nous enfuir et sommes en sécurité."

Christian Solidarity International a tenté, par l’entremise de son partenaire local, une médiation avec les dirigeants locaux et apporte une aide médicale et spirituelle aux victimes, ainsi qu’un soutien financier aux pasteurs chassés de leurs villages.

Critiques politiques de la violence

Le président du Congrès, Sher Bahadur Deuba, a rapidement exprimé son inquiétude quant à la situation à Dharan et lancé un appel à maintenir l’harmonie sociale, comme le souligne le Kathmandu Post :

"Personne ne devrait oublier que le système juridique népalais a donné la liberté de suivre sa religion et sa culture sans nuire à la religion, à la culture et à la conviction d’autres personnes et communautés. Par ailleurs, il n’est pas approprié de nuire à la religion, à la culture et aux traditions des autres."

Le précédent maire, ainsi que trois autres anciens maires et un adjoint au maire actuel de Dharan ont averti que les conflits religieux et culturels dans la sous-métropole risquent de perturber l’harmonie sociale.

Cependant, si la classe politique a globalement dénoncé ces violences, les autorités népalaises ont restreint la liberté religieuse ces dernières années.

Exactement une décennie après avoir quitté l’Index mondial de la persécution des chrétiens, le Népal l’a réintégré, à la 25e place. Il a été retiré de l’Index 2023, car il n’est plus l’un des 50 pays les plus dangereux pour les chrétiens, mais la situation reste très sensible.

Comme dans 11 États de son grand voisin, l’Inde, le Népal a adopté en 2018 une loi anti-conversion en 2017 qui criminalise le changement de religion et vise surtout à empêcher le prosélytisme chrétien.

Ces dernières années, des centaines de communautés se sont converties au christianisme dans ce pays où des missionnaires sud-coréens sont très actifs. En avril de cette année, les autorités ont expulsé l’un d’entre eux.

Jean Sarpédon

Crédit image : Christian Solidarity International

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